Accord UE Mercosur : Pourquoi faut-il s'y opposer ?
Les faits
L’Union européenne et les pays du Mercosur échangent déjà des milliers de tonnes de biens et de services. On achète déjà 250 000 tonnes de boeuf et 314 000 tonnes de volaille chaque année.La Commission européenne négocie depuis des années un accord commercial avec le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Un accord de principe a été adopté le 28 juin 2019 mais pour l’instant le traité n’est pas ratifié par les 27 Etats-membres. L’élection de Lula contre son Bolsonaro a relancé le processus en 2022 auquel le gouvernement français s’oppose pour le moment.
- 1 000 000 de tonnes de maïs ;
- 180 000 tonnes de volailles sans taxe ;
- 180 000 tonnes de sucres (notamment pour produire du bioéthanol);
- 99 000 tonnes de bœuf taxées à 7,5% ;
- 60 000 tonnes de riz ;
- 25 000 tonnes de porc ;
- 35 000 tonnes de fromage ;
- 45 000 tonnes de miel ;
- d’autres produits agricoles comme le soja.
- des voitures ;
- des pièces détachées ;
- des produits chimiques (au profit principal de BASF et Bayer-Monsanto) ;
- du textile principalement du luxe (au profit de LVMH) ;
- du vin (français et italien) ;
- un accès facilité aux marchés publics pour des multinationales (Veolia, Suez…) ;
- des produits pharmacologiques…
Une fois signé, le processus de ratification impose que chaque Parlement national soutienne l’accord ce qui laisse à Paris un droit de veto sauf si la Commission laisse tomber la partie sur la coopération et ne garde que le volet commercial. Dans ce cas, il faut un vote à la majorité qualifiée (quinze pays, représentant 65 % de la population européenne) qui peut être obtenu sans la France. L’Allemagne, l’Espagne, le Portugal et l’Italie soutiennent la signature du traité. Seule l’Autriche semble encore soutenir l’opposition française.
Les conséquences économiques
Les défenseurs de l’accord mettent en avant la nécessité de nouveaux débouchés commerciaux pour l’Europe afin de relancer sa croissance et son taux d’emploi. Ils évoquent l’ouverture limité aux marchés agricoles (2% de la consommation européenne pour le boeuf). Cet accord favoriserait aussi l’ancrage de l’Amérique latine dans des échanges avec l’Europe plutôt qu’avec la Chine. Cela pourrait permettre de diversifier les sources d’approvisionnements en minerais stratégiques (cobalt, graphite, lithium).
Les entreprises qui profiteront d’un accord d’un côté comme de l’autre sont des multinationales qui fonctionnent de manière déterritorialisées sans ancrage sur un territoire. Leurs profits ne serviront donc pas au développement des territoires ni en Europe, ni en Amérique latine.
Mais cela se fait au prix d’un sacrifice de l’agriculture française et notamment l’élevage. Les importations entreront pour une part en concurrence directe avec les productions agricoles françaises et polonaises qui sont produites avec des normes environnementales et sociales plus précises d’où une montée de bouclier des agriculteurs.
Les conséquences environnementales
Un rapport commandité par le Gouvernement de Jean Castex sur les effets potentiels du traité montre que cet accord pourrait augmenter la déforestation de 5% par an pendant 6 ans [rapport].
L’Union européenne interdit le boeuf aux hormones de croissance depuis 1988. Mais quelle est sa capacité de contrôle ? Un rapport commandé par l’Union européenne conclut que le Brésil ne peut pas garantir que la viande bovine ne sera pas dopée à l’œstradiol 17-β, une hormone de croissance interdite en Europe.
L’Institut de l’élevage estime lui que la déforestation liée à l'augmentation des exportations de bœuf peut s'avérer comprise entre un minimum de 620 000 hectares et 1,35 million d'hectares dans le pire des cas sur une période de 5 ans [rapport].
Le Brésil est le plus grand consommateur de pesticides au monde, dont un tiers des substances utilisées sont interdites dans l’UE (150 sur 500). Dans les fermes usines aux conditions abominables, les animaux sont engraissés aux antibiotiques activateurs de croissance. Ils sont nourris avec des céréales interdites dans l’UE qui provoquent des maladies digestives. L’ensemble du marché d’exportation est contrôlé par des multinationales comme JBS.
Pour faciliter les négociations, les Européens ont décidé le 2 octobre 2024 de reporter l’application du règlement contre la déforestation qui interdit d’importer des produits – comme le café, le cacao ou le bœuf – en provenance de terres déforestées. Il devait s’appliquer au 31 décembre de cette année.
Le positionnement des différents acteurs
La position officielle d’Emmanuel Macron et du gouvernement Barnier est plutôt réticente mais il reste ouvert à un traité remanié intégrant des clauses miroirs et l’intégration d’une conformité avec l’accord de Paris
La FNSEA a lancé un préavis de grève lundi jusqu’à mi-décembre suivi par la Coordination rurale et les Jeunes Agriculteurs mais pas par la Confédération paysanne qui souhaite garder son autonomie d’action contre le traité.
La Confédération Européenne des Syndicats (CES) et la Coordination Syndicale des Centrales Syndicales du Cône Sud (CCSCS) ont aussi signé un communiqué commun pour s’opposer au projet d’accord le 7 novembre 2024
A l’initiative de Yannick Jadot, 622 parlementaires ont signé une tribune appelant le Gouvernement à renoncer à signer le traité.La Commission européenne cherche à aller vite et à signer avant la fin de l’année. Elle cherche à apaiser la France par la création d’un fonds de compensation agricole (ce qui démontre l’impact négatif sur les agriculteurs européens).
Le Gouvernement Scholtz également qui pourrait en faire un argument lors des élections législatives de février 2025.
Les syndicats agricoles des autres pays européens s’opposent également à l’accord en Allemagne ou en Espagne.
La moitié des chefs d’entreprise de 8 pays européens sont inquiets pour les conséquences environnementales de l’accord [article]
Notre ligne politique
Les
Ecologistes ont toujours été au combat contre le Mercosur. Nous
défendons en Europe comme en Amérique latine une souveraineté
alimentaire face à la concurrence déloyale qui viserait à importer de
l’alimentation produite sans respect ni des conditions de travail, ni de
la protection de l’environnement. La droite fait semblant d’écouter le
désespoir des agricultrices et des agriculteurs mais crée les conditions
de ce désespoir en détruisant notre agriculture qui est déjà à l’agonie
alors que nous importons plus de 30% de la viande que nous consommons.
Nous
pouvons soutenir des accords commerciaux à condition qu’ils permettent
un développement équitable. On ne peut pas piller leurs ressources
végétales et minérales en leur revendant des produits à forte valeur
ajoutée (voitures, luxe…)
Yannick Jadot dit que c’est accord “c’est la mondialisation de la malbouffe, des pesticides et de la souffrance animale”. Nous opposons à cette vision un monde où l’on pourrait coopérer pour maintenir l’habitabilité et la justice. Ce projet d’accord ne va pas aider les pays sud-américains à se développer. Cela va favoriser les grands propriétaires terriens et augmenter les inégalités plutôt que de soutenir une redistribution des terres et une agriculture paysanne. Cela va augmenter la déforestation, les émissions de gaz à effet de serre et l’appauvrissement des sols (ex de la monoculture de la production de soja en Argentine qui a créé un désert vert). Nous avons besoin de coopération avec l’Amérique latine dans la protection de l’environnement, pas dans sa destruction.
Ceux-ci doivent permettre une amélioration des normes environnementales et des conditions de travail ailleurs dans le monde. Par exemple, tout accord commercial devrait être conditionné aux accords de Paris, à la protection de la biodiversité, à l’amélioration des normes vétérinaires, à la limitation des pesticides, aux respects des normes minimum de travail (interdiction du travail des enfants et du travail forcé, libertés syndicales et droit de grève) et à une protection des peuples autochtones. Ce n’est pas le cas de ce traité qu’il faut abandonner.
Pour aller plus loin
- L’appel de plus de 600 parlementaires français à Ursula von der Leyen : "Les conditions pour l’adoption d’un accord avec le Mercosur ne sont pas réunies" à l’initiative de Yannick Jadot.
- Résumé de l’étude d’impact commandé par le Groupe des Verts du Parlement européen, 2019 (en anglais)
- Rapport d’Institut Veblen, mars 2023
- Rapport d’évaluation de l’impact de l’accord pour le Gouvernement français, 2020
- Article de Maxime Combes, 2024
- Tribune de Yannick Jadot et Marie Pochon : "Pour le climat et la justice, rejetons l’accord UE-Mercosur !", publiée dans le JDD en juin 2023.