Il y a danger à opposer agriculture et écologie !
Ce n’est pas parce qu’on est d’accord sur le mal-être des agriculteurs qu’il faut se tromper de cible !
Nous récoltons, aujourd’hui, ce qui a été semé depuis des décennies par les majorités de droite, conservatrices et libérales qui se sont succédé en France et au Parlement européen. Elles ont soutenu depuis plus de cinquante ans un modèle agricole dépassé dont les agriculteurs les plus fragilisés sont aujourd’hui victimes.
Ce sont toutes les droites et l’extrême droite qui ont voté la PAC qui ne distribue pas de façon équitable l’enveloppe des aides publiques. Ce qui fait que désormais, dans l'Union européenne, 20% des agriculteurs possèdent 83% des terres agricoles et touchent 81% des aides européennes. Et ce qui a pour conséquence qu’en France, 20% agriculteurs possèdent 52% des terres agricoles et touchent ainsi 35% des aides européennes. Ce sont par ailleurs les droites conservatrices et libérales qui ont ouvert les vannes aux produits venant des quatre coins du monde, via des traités de libre-échange qui mettent en concurrence par le bas les agricultures.
Au Parlement européen, les écologistes ont demandé l’application d’un « protectionnisme vert » prévoyant une taxe carbone aux frontières extérieures pour les importations en provenance de pays où les entreprises ne font pas l’effort de s’aligner sur les mesures sociales et environnementales. Ils ont aussi demandé des « mesures miroirs », afin que les produits pénétrant en Europe respectent les mêmes normes que celles imposées aux agriculteurs européens.
Qui s’est opposé à cette proposition politique au Parlement Européen visant à protéger nos agriculteurs ? Toujours les mêmes : les droites conservatrices et libérales.
Le vrai sujet de cette crise sociale, c’est un modèle agricole injuste qui découle de tous ces votes. Il existe un « triangle de l’enfer » : agro-industrie, agroalimentaire et grande distribution qui toutes les trois se font des marges énormes pesant sur les paysans et sur les consommateurs. Ce modèle n’est évidemment pas conçu ni adapté pour atteindre la souveraineté alimentaire mais pour nourrir des marchés spéculatifs !
Les faits sont là. Les stratégies de diversion de la droite régionale et du Premier ministre qui cherchent à se déresponsabiliser en ciblant les écologistes font pâle figure. Nous attendons un peu plus de dignité et d’honnêteté dans le débat politique.
Selon les données scientifiques, la tendance à la baisse des productions agricoles s’explique en grande partie par les changements climatiques et l’effondrement de la biodiversité. Le Pacte Vert européen, adopté il y a peu, n’a évidemment rien à voir avec la situation que nous connaissons, pas plus que la loi de restauration de la nature ou l’obligation de baisse des pesticides puisque ces règlementations européennes ne sont pas encore appliquées !
Le vrai sujet, c’est qu’il faut répondre aux questions économiques et sociales (revenus rémunérateurs, fin de la concentration des exploitations pour installer de nouveaux paysans, annulation de la dette des agriculteurs pour donner de la visibilité financière…), afin d’être en capacité d’engager la transition écologique.
Arrêtons d’opposer souveraineté alimentaire, économie et écologie ! Si on veut atteindre la souveraineté alimentaire, si on veut sauver l’économie agricole, il va falloir travailler sur d’autres logiques de production : l’agroécologie, l’agriculture biologique qui sont, elles, les solutions !
Claire Mallard, présidente du groupe Écologistes & Solidaires
Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté